On peut schématiquement
identifier deux formes de féminisme : d'une part le féminisme
essentialiste qui pense défendre la dignité des femmes en honorant
ce qu'il considère être les particularités propre à « l'essence
féminine », et d'autre part le féminisme universaliste qui
affirme l'égalité des droits au sein du genre humain, et donc entre
femmes et hommes. Un certain paradoxe apparaît alors. Le terme
« catholique » est souvent traduit par « universel ».
La branche du christianisme qui s'en réclame considère être
héritière d'une tradition qui annonce la Foi chrétienne partout et
pour tous. Or, la majorité de celles et ceux qui au sein du
catholicisme se font les promoteurs des femmes essentialisent la
« nature féminine », et par symétrie la « nature
masculine ». Pourtant, on aurait pu s'attendre à ce que la
parole révolutionnaire de Paul traverse et insuffle jusqu'à nous :
« Il n'y a ni homme ni
femme. Car vous ne faîtes qu'un dans le Christ Jésus.»
(Ga 3,28).
Je souhaite à travers ce
blogue illustrer un féminisme catholique, c'est à dire un
féminisme universaliste qui s'enracine dans la foi chrétienne,
la foi en la résurrection du Christ annoncée en premier par les
femmes amies du Seigneur.
Ouvrir ce blogue me
semble aujourd'hui nécessaire pour plusieurs raisons :
D'abord,
personnellement, je me sens seul en tant que « féministe
catholique ». On pourrait me rire au nez. « Bien sûr,
c'est tellement étrange ! ». Nombre de féministes ont un
fort ressentiment contre l'Eglise catholique. Elle est pour elles/eux
une institution majeure du patriarcat. Et elles/ils ont raison,
formellement. Tandis que les courants les plus conservateurs du
catholicisme fusionnent une représentation inégalitaire des
relations entre femmes et hommes (ce qu'elles/ils nomment leur
« anthropologie », qu'ils prétendent « biblique »)
avec le cœur de la foi chrétienne. Le mot « féminisme »
est devenu pour elles/eux un de ces « -ismes » qui
caractérisent les hérésies modernes, comme « matérialisme »,
« communisme », « relativisme », etc. Pour eux, s'en
revendiquer revient quasiment à s'excommunier. Même parmi
les plus progressistes des catholiques, on ne tolèrent finalement qu'un
féminisme essentialiste. Des thèses de théologie qui pensent le genre à l'intérieur de la tradition catholique, comme celle d'Yvone Gebara, sont extrêment rares en langue française. Je suis extrêmement conscient de cette
tension. Forcément, puisque je suis d'une part engagé auprès de
collectifs féministes universalistes dans l'action pour l'égalité
entre femmes et hommes, et d'autre part que je vis l'eucharistie avec
la communauté chrétienne, au sens large, c'est à dire dans la
liturgie bien sûr, mais aussi dans l'expérience de la charité
vécue en lien avec la table eucharistique. Je me retrouve donc en
quelque sorte écartelé entre deux communautés humaines qui se
méfient l'une de l'autre. Pourtant, après plusieurs années à
méditer et mûrir cet engagement féministe à la lumière de la foi
chrétienne, je suis intérieurement en paix.
C'est justement la
seconde raison de ce blogue : partager ma conviction et mon
expérience qu'être féministe catholique, ce n'est pas être un
veau à deux têtes. C'est au contraire une manière de vivre la foi
chrétienne qui s'inscrit tout à fait dans la longue tradition des
fidèles, et c'est une forme de féminisme qui assume pleinement
l'égalité entre femmes et hommes, sans la détourner dans les faits
au nom de « rôles naturels » des uns et des autres qu'il
faudrait respecter. Je me propose donc de partager des textes à
ambition théologique qui illustreront l'articulation entre la pensée
féministe universaliste et la foi chrétienne, mais aussi des textes de méditation biblique pour essayer une respiration spirituelle féministe. Mon intention dans ces textes est ce que l'on m'a appris
à propos du rôle du théologien : être au service de la
communauté chrétienne pour l'aider à penser intelligiblement la
foi chrétienne ici et maintenant.
Enfin, ce blogue s'ouvre
dans une période politique particulière en France. Après presque
dix mois de mobilisation contre le mariage pour tous, qui a été
soutenu voire conduit par d'importants secteurs des églises
chrétiennes, je constate une radicalisation inquiétante parmi les
chrétiens contre l'homosexualité, mais aussi contre la « théorie du genre », et donc contre le féminisme universaliste. Quand
cette mobilisation a commencé, je ne m'en suis pas inquiété. Comme
beaucoup de monde, l'ampleur de ce mouvement m'a surpris. Surtout le
lien que font les meneurs de ce mouvement entre « mariage pour
tous » et « théorie du genre ». Comment les
arguments mobilisés contre le « mariage pour tous »
constituaient régulièrement une attaque contre le féminisme. Cela
m'a fait comprendre que la « civilisation » que défendent
celles et ceux qui refusent avec tant de violence le « mariage
pour tous » est une civilisation anti-féministe. On voit
d'ailleurs maintenant s'affirmer au sein du mouvement
anti-mariage-pour-tous des arguments « masculinistes »,
de défense du rôle du père vu comme le garant de l'autorité, et
autorisé à certaines formes de violence vis-à-vis de ses enfants
comme de sa femme, tels que le film documentaire de Patrick Jean « la domination masculine » nous en avertissait du danger. Je crains
donc qu'après la mobilisation contre le mariage pour tous, certains
au sein de l'Eglise ne souhaitent organiser une croisade contre la
théorie du genre et le féminisme. Il me semble alors d'autant plus
important de faire entendre une voix fidèle qui affirme que le
féminisme universaliste ne s'oppose pas à la vocation que le
Créateur à confier à l'humanité, au contraire il y participe,
puisqu'il participe à libérer des injustices et à promouvoir la
dignité de chacun par l'émancipation. Cette voix est-elle
prophétique ? C'est en tout cas ma vocation de baptisé que
d'être prophète.
Une voix qui crie dans le
désert ? Attitude prétentieuse et vaine ? J'espère
l'inverse. Je crois ne pas être seul, même si j'en ai souvent
l'impression. Je pense que beaucoup sont dans une situation d'entre
deux semblable à la mienne. Beaucoup parmi les fidèles chrétiens
voient bien qu'évidemment femmes et hommes sont égaux, qu'il y a
autant, sinon plus, de différences physiques et cognitives entre
hommes d'une part et entre femmes d'autre part qu'il y en a entre la
moyenne des hommes et la moyenne des femmes. Beaucoup parmi celles et
ceux engagés dans les mouvements féministes ne cessent de s'étonner
que l'Eglise s'attache tant à survaloriser la différence des sexes
alors que le commandement d'amour universel de Jésus-Christ se moque
de cette différence, comme des autres différences que l'on peut utiliser pour
diviser l'humanité. Je sais que beaucoup font un choix, souvent
silencieusement, souvent même sans en être conscient: engagéés
dans le féminisme qui cessent de fréquenter les lieux d'Eglise,
parce que fatiguéés de se révolter contre les prises de positions
scandaleuses de la part la plus démonstrative de l'Eglise ; ou
bien fidèles fervents qui jamais ne font le pas de s'engager dans
une action féministe, de crainte de se couper de la nourriture
spirituelle que leur fournit la communauté. Au risque de l'invective
ou de la moquerie de la part des féministes anti-religieux (dont je
comprends la véhémence anti-religieuse), et de la part des
catholiques qui confondent respect de la Tradition et défense du
patriarcat, j'espère pouvoir être une aide à celles et ceux qui
sentent bien que la ligne de crête est la voie étroite à la suite
du Christ. Je serais heureux que ce blogue accueille le
questionnement des uns et des autres, qu'il devienne un espace de
dialogue.
Juste merci d'avoir mis des mots sur ce que je pense et ressens. Et apparemment nous sommes au moins 2 mais je suis sure que nous sommes bien plus nombreux-ses à penser en ces termes. Merci de partager.
RépondreSupprimerAnna
Merci Anna.
SupprimerBonsoir
SupprimerJe me permets de vous recontacter j'aimerais échanger avec vous a propos du feminisme catholique mais je n'ai pas trouvé le moyen de vous contacter autrement qu'en publiant un commentaire. Y'a t'il un autre moyen si vous êtes d'accord pour échanger ? Anna
Bonsoir
SupprimerJe me permets de vous recontacter j'aimerais échanger avec vous a propos du feminisme catholique mais je n'ai pas trouvé le moyen de vous contacter autrement qu'en publiant un commentaire. Y'a t'il un autre moyen si vous êtes d'accord pour échanger ? Anna
vous pouvez me contacter à l'adresse suivante:
Supprimerpgastrein @ gmail.com
Juste merci d'avoir mis des mots sur ce que je pense et ressens. Et apparemment nous sommes au moins 2 mais je suis sure que nous sommes bien plus nombreux-ses à penser en ces termes. Merci de partager.
RépondreSupprimerAnna