vendredi 3 janvier 2014

Prier "notre Père" nous apprend à être père au féminin comme au masculin.


« Notre père qui es aux cieux »

Nommer Dieu « notre père » peut sembler être l'aspect le plus difficile à accepter dans une perspective féministe. Pour celles-et-ceux qui considèrent que le christianisme est depuis toujours un support du patriarcat, la preuve la plus manifeste est là. De même pour celles-et-ceux qui, dans l'Eglise, sont persuadés que leur foi les conduit à penser qu'il y aurait des natures féminines et masculines absolument différentes et ordonnées l'une à l'autre. Les unës et les autres sont d'accord pour penser que la paternité est forcément lié au sexe masculin.

Mais faisons d'abord un pas de côté par rapport à la question de genre, et revenons sur des considérations théologiques. Nous verrons ensuite comment se poser la question du genre peut aider à progresser en théologie, c'est à dire à progresser dans le discours que nous avons sur et avec Dieu.
Nommer Dieu « notre père », c'est toute une théologie. C'est refuser de le désigner par un mot théorique comme « théos », ou par un nom mythique comme « Zeus » ou « yahvé ». C'est le nommer par une expérience humaine : être père, être fillsse d'un père. C'est le nommer par une relation humaine universelle.

Alors nous pouvons revenir à la question du genre. Du point de vue de l'enfant, toutte humain a fait l'expérience d'avoir un père. L'expérience a pu être malheureuse, et même scandaleuse. Nombre de pères ont absolument perverti la paternité. C'est une autre question que pose le « notre père » : sachant qu'évidemment aucun père humain n'est père comme il faut, mais surtout que tant le sont de manière perverse, défigurant la paternité, comment Jésus peut oser prendre le risque de nous faire connaître Dieu comme un père ? C'est le risque de l'incarnation. Toujours est-il que toutte humain a connu un père. Et même si ellil n'a pas connu son père biologique, ellil a été adopté d'une manière ou d'une autre pour advenir à l'humanité. Et si l'on y pense bien, chacunë d'entre nous à pu avoir plusieurs pères : un père spirituel, pour décrire la relation entre un doctorant et son directeur de thèse les allemands nomment ce dernier « Doktorvater », etc. Et si l'on revient sur le père que l'on dit biologique, en fait, jusqu'à la découverte du test génétique, c'est à dire très récemment, il y a toujours eu doute sur le lien biologique entre un père et saön fillsse. Pour les mères, l'accouchement donne une certitude évidente de leur lien biologique avec l'enfant. Pour les pères, il s'agit toujours d'une adoption : accueillir l'enfant comme unë fillsse. Cet accueil permet aussi une liberté. L'enfant peut toujours mettre en doute la paternité. De même nommer Dieu père, et non pas mère, c'est indiquer qu'il est nécessaire qu'il y ait une reconnaissance. En général dans les situations humaines, c'est au père de faire la démarche de reconnaissance. Dans la relation à Dieu, c'est à laë fillsse de reconnaître ce père qui est au ciel.
L'expérience de la maternité est une expérience que seule les femmes peuvent vivre. C'est peut être la seule dissymétrie absolue entre femmes et hommes. Mais la réciproque n'est pas vraie. L'expérience de la paternité n'est pas reservée qu'aux hommes. Si la relation de paternité, c'est la relation d'engendrement, qui consiste à accueillir unë nouvell être, à laë faire advenir à l'humanité, à l'éduquer à la liberté, jusqu'à la liberté radicale de pouvoir ou non reconnaître saön père, alors cette expérience-là, les femmes peuvent la vivre. Et il vaudrait mieux que les mères soient de bons pères, et qu'elles ne restent pas dans une relation de possession ou de fusion vis-à-vis de leur rejeton. Nous avons d'ailleurs dans la Bible un exemple admirable de mère père. La prostituée qui, devant le jugement de Salomon, préfère voir son fils vivre, quitte à ce que son éducation soit confiée à celle qui comptait le lui voler, agit comme un vrai père. Et nous voyons autour de nous qu'évidemment les mères se comportent en père. De manière bancale, comme les hommes, avec des difficultés propres liées au fait qu'elles sont aussi mères, mais qui font le pendant des difficultés d'être père quand on est homme avec l'impossibilité absolue d'être mère.

Nommer Dieu « notre père », c'est, d'un point de vue théologique, découvrir Dieu à travers une expérience absolument universelle. Car toutses, nous avons un père, et souvent plusieurs. Car toutses, aussi, nous pouvons être père, par l'état civil et par une très forte présomption de filiation biologique, mais aussi de manière spirituelle, à telle ou telle occasion. Chaque fois que nous adoptons un autre de manière inconditionnelle, que nous l'accueillons avec la volonté de laë voir vivre, que nous lui donnons un nom qui l'inclut dans l'humanité, alors nous nous comportons comme un père. Et, que nous le reconnaissions ou pas, nous avons tous unë tell père au ciel.

Car il est évident que Dieu n'est pas que masculin. Dès la genèse, la tradition biblique est claire avec cette question, puisque c'est en tant que femme et homme que l'humain est à l'image de Dieu. Alors, plutôt que de nous faire oublier que Dieu est autant féminin que masculin, le fait de Laë nommer « père » devrait nous convertir à réaliser que cette expérience d'être père n'est pas proprement masculine. C'est une expérience universelle à l'humanité qui nous rend à l'image de Dieu.

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