lundi 13 janvier 2014

Réponse au questionnaire en vue du synode sur la famille _ plus de discernement par rapport aux situations de violence, plus d'accueil par rapport aux diversités des relations conjugales.


Réponses aux questions du formulaire en ligne publiées par le journal La Croix.
1)      Dans la situation actuelle de crise entre les générations, comment les familles chrétiennes ont-elles su réaliser leur vocation propre de transmission de la foi?

Qu'est ce que la transmission de la foi? Beaucoup de familles confondent transmission d'un corpus rigide de croyances et de valeurs, avec transmission de la foi. La foi chrétienne, foi en la résurrection salvifique de Jésus-Christ, et puis foi comme dynamique de vie, à la fois confiance et fidélité au service de l'amour de son prochain. Les familles qui vivent de cette foi et qui l'accueille, sont des lieux de témoignage qui permettent de transmettre la foi. Les familles qui sont obsédées par la transmission de valeur et de croyance souvent ne sont même pas conscientes de la vraie dimension de la foi. Elles échouent souvent à transmettre les valeurs et les croyances qu'elles considèrent comme si importantes, elles ne témoignent en tout cas pas de la Foi.

2)      Quelles attentions pastorales votre communauté a-t-elle montré pour soutenir le cheminement des couples en formation et des couples en crise?

Personnellement marié avec une femme athée, je me réjouis d'avoir été accueilli par ma paroisse aussi en tant que couple. Nous avons célébré une bénédiction puis une fête conviviale avec les membres de la paroisse en parallèle du mariage civile.
Cependant j'ai été attristé par les inquiétudes de membres de la communauté: "comment peux-tu t'engager en couple avec une athée?" Cette sollicitude mal ajustée me semble être un obstacle pour la vie épanouie des couples qui seront de plus en plus nombreux à être "mixte" selon la conviction religieuse. Cette croyance qu'un bon couple chrétien ne peut que se constituer dans l'uniformité des convictions religieuses me semblent aussi être en contradiction avec les arguments mobilisés contre le "mariage pour tous" selon lesquels le mariage est censé être la rencontre de deux altérités. Comment pouvons-nous prétendre faire la leçon à ceux qui tentent l'aventure d'un couple homosexuel, quand nous n'encourageons pas la constitution de couples qui s'accueillent dans l'altérité des convictions religieuses?!

Spécifiquement à propos du (non) accompagnement des couples homosexuels. Les dangers spirituels qui les guettent sont nombreux. Aussi nombreux que ceux qui guettent les couples hétérosexuels. Une condamnation morale a priori est catastrophique pour ces couples débutants. Ils doivent faire face non seulement aux difficultés que rencontrent tout couple, mais en plus l'absence de soutien familial et communautaire, voire la réprobation et même la condamnation et la mise à part.

3)      Le concubinage avant le mariage est-il une réalité importante dans votre communauté ou votre famille?

Deux réalités sont importantes: "l'expérimentation" de la sexualité avant le mariage et "l'expérimentation" de la vie commune (le concubinage stricot sensu). Même si on peut interroger cette pratique, il s'agit de constater qu'une grande majorité y ont recours pour s'assurer du réalisme d'un engagement avec l'autre.

La perspective des couples qui expérimentent ainsi restent l'engagement.

4)      Existe-t-il des couples qui vivent en union libre sans reconnaissance aucune, ni religieuse, ni civile dans votre communauté ou votre famille?

Oui

5)      Dans tous ces cas, comment les baptisés vivent-ils leur situation irrégulière? En sont-ils conscients? Manifestent-ils simplement de l’indifférence? Se sentent-ils écartés et vivent-ils avec souffrance l’impossibilité de recevoir les sacrements?

La difficulté se retrouve surtout dans les relations intergénérationnelles. Quand des parents ou grand-parents désapprouvent le choix de conjugalité de leur descendant. Le scandale est particulièrement criant quand cela provoque une différence de traitement dans la fratrie (absence de cadeau pour un petit-enfant parce qu'il n'a pas été baptisé, ou rupture de relation avec un enfant parce qu'il vit en "situation irrégulière" _ l'expression même est problématique).

6)      Les divorcés-remariés sont-ils une réalité pastorale importante de votre communauté ? Comment affrontez-vous cette réalité dans la communauté ?

Oui. Personnellement, je les accueille. Je constate une grande souffrance de la part de couple remarié qui ne se considère pas, à juste titre, responsable du divorce. Qu’en est-il des conjoints dont c’est le premier mariage et qui subissent «la condamnation » du divorce de leur conjoint ?
N’y a-t-il pas contradiction pour la religion de la foi en la résurrection de ne pas être en mesure d’envisager qu’un amour peur mourir et être morbide, et surtout de ne pas proposer et soutenir à celles et ceux qui ont traversé une telle mort de vivre à nouveau, d’aimer de nouveau ?
Enfin, scandale que la discipline imposée aux divorcés ne prenne pas en compte la question des violences conjugales. Un conjoint victime de violence de la part de son partenaire doit pouvoir, avant tout autre discussion morale et théologique sur la question générale de l’indissolubilité du mariage, obtenir une annulation de son mariage.

7)      Quelles sont les demandes que les personnes divorcées-remariées adressent à l’Eglise à propos des sacrements de l’Eucharistie et de la réconciliation ? Parmi ces personnes, combien demandent les sacrements ?

Chaque personnes divorcées-remariées est différentes. Beaucoup demandent les sacrements. Surtout beaucoup souhaitent s'engager dans la vie de l'Eglise, catéchèse, responsabilité, etc. Le stigmate d'être divorcés-remariés est particulièrement fort. Alors que nous sommes tous pêcheurs. En quoi un divorcé remarié aurait il à supporté un stigmate plus grave de la part de la communauté qu'un patron qui ne paye pas ses employés? (situation véridique)

8)      La simplification de la pratique canonique pour la reconnaissance de la déclaration de nullité du lien matrimonial pourrait-elle offrir une réelle contribution positive à la solution des problèmes des personnes concernées?

Si le partenaire a été violent, a tenté de détruire la personne physiquement et/ou psychologiquement, nous sommes dans une situation de perversion de l’amour. On ne peut pas demander à la victime de « sauver » son conjoint par l’amour, car il s’agit souvent de l’argument pervers utilisé par le conjoint violent. Il faut au contraire la soutenir pour se libérer de l’emprise, y compris spirituel, dans laquelle on retrouve les mêmes mécanismes que l’emprise de l’idolâtrie.  Il ne faut pas laisser pervertir l’amour. Il y a des manifestations d’attachement qui ne sont pas de l’amour, qui sont du désir d’appropriation. De même qu’il y a des manifestations de sens religieux qui ne sont pas de la foi, mais de l’appropriation du sacré, c’est de l’idolâtrie. Si le mariage est un sacrement, il rejette absolument la perversion de l’amour qui la violence et la soumission d’autrui. Quand cela se produit dans un couple, il y a lieu de constater la nullité du mariage, ce qui peut être une aide spirituelle pour la victime pour se libérer de cet enfermement.

9)      Quelle attention pastorale est-il possible d’avoir envers des personnes qui ont choisi de vivre en couple avec une personne du même sexe?

La même attention qu'à tout couple. Le même accueil aussi. Leur expérience spirituelle de vie de couple a beaucoup à apporter à la vie spirituelle de la communauté. En particulier, la question de la fécondité d'un couple: ne peut-elle s'exprimer qu'à travers l'accueil d'un enfant. Et pourtant, nos communautés ne sont elles pas édifiés par nombre de leur membres qui manifestent que l'on peut mener une vie consacré à l'amour pour autrui, être fécond sans pour autant que cette fécondité soit biologique?

10)   en cas d’unions entre personnes du même sexe qui auraient adopté des enfants quel comportement pastoral tenir en vue de la transmission de la foi?

Quelles difficultés particulières cela peut-il poser? Le principal obstacle à la transmission de la foi pour les enfants, c'est le contre-témoignage que peut manifester certaines communautés par leur rejet de ces couples homosexuels, par homophobie.

11)  Quelle connaissance concrète avez-vous de la doctrine de l'Eglise (Humanae vitae) sur la parentalité responsable? Et des différentes méthodes de régulation des naissances? Du point de vue pastoral quels approfondissements pourraient être suggérés à ce propos?

J’ai lu et étudié la doctrine de l’Eglise. Je ne comprends toujours pas comment on peut condamner les méthodes de contraception chimiques et physiques tout en encourageant la « méthode des calendriers ». Si l’argument éthique est et reste que l’acte sexuel doit toujours être fait en disponibilité à une fécondation, la méthode des calendriers relève de la même intentionnalité d’organiser un rapport sexuel dans lequel on exclut cette possibilité. De plus le principe morale lui-même, à savoir que la sexualité n’a de justification qu’en tant qu’elle est potentiellement féconde (au sens le plus matérialiste de la fécondité), ne me semble ni traditionnel, ni légitimé par les Ecritures. La lecture de ce lundi 13 janvier 2014 nous donne à la méditation ce langage d’amour d’un époux pour son épouse : « Et moi, est-ce que je ne compte pas à tes yeux plus que dix fils ? »  (1Sa1,1-8). L’expérience érotique dans un couple est un en soi qui se passe de la fécondité biologique. Il s’agit bien évidemment qu’elle soit ouverte. Le grand combat des prophètes contre les cultes de la fertilité et contre la prostitution sacrée sont des combats contre des formes d’amour pervers, où l’on instrumentalise l’autre, où il ne s’agit plus d’une rencontre de l’autre pour l’autre mais d’une utilisation de l’autre pour son plaisir, pour le pouvoir ou pour atteindre une forme de sacré que l’on souhaite maîtriser. Mais pour éviter et prévenir ce risque, l’Eglise catholique risque de commettre une autre erreur : sacraliser le biologique dans la sexualité et la conjugalité, réduire la richesse de la relation d’un couple à sa disponibilité à l’accueil d’un enfant. Non seulement cette attitude provoque une souffrance chez les couples stériles, qui sont pourtant des figures bibliques de l’accueil fécond de la parole de Dieu (couple de personnes âgées, couples stériles pour des raisons biologiques mais aussi psychologiques, couple homosexuel, etc.). Mais aussi elle n’aide pas forcément les couples avec enfants à vivre toute la richesse potentielle de leur relation conjugale.

 D’un point de vue pastorale, cesser un discours normatif et moralisateur. L’amour est multiforme, il est comme le vent de l’Esprit, on ne sait d’où il vient ni où il va. L’Eglise a la grande mission de l’accueillir. Elle doit continuer à mener un travail de discernement, bien sûr. Mais un critère de discernement clef à mettre en avant, en priorité sur l’obsession de la bienséance sexuelle, matrimoniale et patrimoniale, c’est la question de la violence. Il faut donc prendre position sur la question de la prostitution. Pourquoi Osée a épousé une personne prostituée ? En quoi ce geste est prophétique ? Qu’est ce qu’il nous dit du mariage, du mariage sacrement de l’amour de Dieu pour l’humanité ? Concrètement, il s’agit de lutter contre la prostitution, promouvoir son abolition dans la société, tout en accueillant les personnes prostituées,  « premières dans le royaume ».  Et n’y a-t-il pas de la prostitution dans les mariages « bien sous tout rapport » formel ? Ne continue t-il pas à se célébrer des mariages pour des raisons d’argent, de patrimoine, de reproduction sociale ? Que disons-nous sur la violence à l’intérieur des couples ? Renvoyons-nous les deux partenaires dos-à-dos avec un « chacun porte sa part de responsabilité », ou bien aidons-nous ces couples, et chacun des conjoints, à une travail de discernement : « ce que vous vivez reste-t-il de  l’amour ? la destruction que l’un inflige sur l’autre, ou l’autodestruction que vous vous faîtes subir n’est-elle pas si profonde qu’il vaudrait mieux vous encourager à vous séparer, et à constater la nullité de votre mariage ? ».

La question de l’avortement doit aussi être affrontée en dehors d’une accusation pure et simple. Car quand elle se pose pour les femmes, ce n’est jamais dans une situation simple ni pure. Il faut admettre le constat que la dépénalisation de l’avortement a partout fait diminuer le nombre d’avortement, avec un gain énorme sur la santé des femmes qui y ont eu recours. La première manière de faire diminuer le nombre d’avortement, c’est l’information sur des moyens de contraception réalistes. Ensuite, il s’agit aussi que les hommes soient responsabilisés vis-à-vis des conséquences d’une relation sexuelle. Pour cela il faut encore et toujours promouvoir l’égalité entre femmes et hommes qui n’est aujourd’hui nulle part acquise, et l’on constate plutôt des régressions. On constate, en particulier en France, la persistance des inégalités économiques entre femmes et hommes. La pastorale a aussi un rôle à jouer sur ces questions, par l’exemplarité de la répartition des tâches pastorales selon des critères de compétences et de vocation personnelles.  

Si nous voulons transmettre la Foi à nous enfants, vivons la Foi, accueillons les dans la Foi. L’amour qui peut se vivre dans un couple est sujet de Foi. Il peut être à « l’image et la ressemblance de Dieu », de l’amour de Dieu pour l’humanité. C’est, il me semble, la principale raison pour laquelle le mariage est un sacrement. Le travail de discernement, de prévention, voire de condamnation, qui incombe à l’Eglise, ne peut se faire qu’après le travail d’accueil bienveillant et de bénédiction des amours humaines, sans a priori. « Jamais en Israël je n’ai vu une Foi aussi grande ! ». De combien de couple autour de nous, hors de l’Eglise, indifférents ou même hostile à l’Eglise, nous pouvons néanmoins dire « jamais dans l’Eglise je n’ai vu d’amour aussi grand et beau ! » ?

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