Réponses aux questions du formulaire en ligne publiées par le journal La Croix.
1)
Dans la situation actuelle de crise entre les
générations, comment les familles chrétiennes ont-elles su réaliser leur
vocation propre de transmission de la foi?
Qu'est ce que la
transmission de la foi? Beaucoup de familles confondent transmission d'un
corpus rigide de croyances et de valeurs, avec transmission de la foi. La foi
chrétienne, foi en la résurrection salvifique de Jésus-Christ, et puis foi
comme dynamique de vie, à la fois confiance et fidélité au service de l'amour de
son prochain. Les familles qui vivent de cette foi et qui l'accueille, sont des
lieux de témoignage qui permettent de transmettre la foi. Les familles qui sont
obsédées par la transmission de valeur et de croyance souvent ne sont même pas
conscientes de la vraie dimension de la foi. Elles échouent souvent à
transmettre les valeurs et les croyances qu'elles considèrent comme si
importantes, elles ne témoignent en tout cas pas de la Foi.
2)
Quelles attentions
pastorales votre communauté a-t-elle montré pour soutenir le cheminement des
couples en formation et des couples en crise?
Personnellement
marié avec une femme athée, je me réjouis d'avoir été accueilli par ma paroisse
aussi en tant que couple. Nous avons célébré une bénédiction puis une fête
conviviale avec les membres de la paroisse en parallèle du mariage civile.
Cependant j'ai été
attristé par les inquiétudes de membres de la communauté: "comment peux-tu
t'engager en couple avec une athée?" Cette sollicitude mal ajustée me
semble être un obstacle pour la vie épanouie des couples qui seront de plus en
plus nombreux à être "mixte" selon la conviction religieuse. Cette
croyance qu'un bon couple chrétien ne peut que se constituer dans l'uniformité
des convictions religieuses me semblent aussi être en contradiction avec les
arguments mobilisés contre le "mariage pour tous" selon lesquels le
mariage est censé être la rencontre de deux altérités. Comment pouvons-nous
prétendre faire la leçon à ceux qui tentent l'aventure d'un couple homosexuel,
quand nous n'encourageons pas la constitution de couples qui s'accueillent dans
l'altérité des convictions religieuses?!
Spécifiquement à
propos du (non) accompagnement des couples homosexuels. Les dangers spirituels
qui les guettent sont nombreux. Aussi nombreux que ceux qui guettent les
couples hétérosexuels. Une condamnation morale a priori est catastrophique pour
ces couples débutants. Ils doivent faire face non seulement aux difficultés que
rencontrent tout couple, mais en plus l'absence de soutien familial et communautaire,
voire la réprobation et même la condamnation et la mise à part.
3)
Le concubinage
avant le mariage est-il une réalité importante dans votre communauté ou votre
famille?
Deux réalités sont
importantes: "l'expérimentation" de la sexualité avant le mariage et
"l'expérimentation" de la vie commune (le concubinage stricot sensu).
Même si on peut interroger cette pratique, il s'agit de constater qu'une grande
majorité y ont recours pour s'assurer du réalisme d'un engagement avec l'autre.
La perspective des couples qui expérimentent ainsi
restent l'engagement.
4)
Existe-t-il des couples qui vivent en union libre sans
reconnaissance aucune, ni religieuse, ni civile dans votre communauté ou votre
famille?
Oui
5)
Dans tous ces cas,
comment les baptisés vivent-ils leur situation irrégulière? En sont-ils
conscients? Manifestent-ils simplement de l’indifférence? Se sentent-ils
écartés et vivent-ils avec souffrance l’impossibilité de recevoir les
sacrements?
La difficulté se retrouve surtout dans les relations intergénérationnelles.
Quand des parents ou grand-parents désapprouvent le choix de conjugalité de
leur descendant. Le scandale est particulièrement criant quand cela provoque
une différence de traitement dans la fratrie (absence de cadeau pour un
petit-enfant parce qu'il n'a pas été baptisé, ou rupture de relation avec un
enfant parce qu'il vit en "situation irrégulière" _ l'expression même
est problématique).
6)
Les
divorcés-remariés sont-ils une réalité pastorale importante de votre communauté
? Comment affrontez-vous cette réalité dans la communauté ?
Oui. Personnellement, je les accueille. Je constate une
grande souffrance de la part de couple remarié qui ne se considère pas, à juste
titre, responsable du divorce. Qu’en est-il des conjoints dont c’est le premier
mariage et qui subissent «la condamnation » du divorce de leur
conjoint ?
N’y a-t-il pas contradiction pour la religion de la foi
en la résurrection de ne pas être en mesure d’envisager qu’un amour peur mourir
et être morbide, et surtout de ne pas proposer et soutenir à celles et ceux qui
ont traversé une telle mort de vivre à nouveau, d’aimer de nouveau ?
Enfin, scandale que la discipline imposée aux divorcés ne
prenne pas en compte la question des violences conjugales. Un conjoint victime
de violence de la part de son partenaire doit pouvoir, avant tout autre
discussion morale et théologique sur la question générale de l’indissolubilité
du mariage, obtenir une annulation de son mariage.
7)
Quelles sont les
demandes que les personnes divorcées-remariées adressent à l’Eglise à propos
des sacrements de l’Eucharistie et de la réconciliation ? Parmi ces personnes,
combien demandent les sacrements ?
Chaque personnes divorcées-remariées est différentes.
Beaucoup demandent les sacrements. Surtout beaucoup souhaitent s'engager dans
la vie de l'Eglise, catéchèse, responsabilité, etc. Le stigmate d'être
divorcés-remariés est particulièrement fort. Alors que nous sommes tous
pêcheurs. En quoi un divorcé remarié aurait il à supporté un stigmate plus
grave de la part de la communauté qu'un patron qui ne paye pas ses employés?
(situation véridique)
8)
La simplification
de la pratique canonique pour la reconnaissance de la déclaration de nullité du
lien matrimonial pourrait-elle offrir une réelle contribution positive à la
solution des problèmes des personnes concernées?
Si le partenaire a été violent, a tenté de détruire la
personne physiquement et/ou psychologiquement, nous sommes dans une situation
de perversion de l’amour. On ne peut pas demander à la victime de « sauver »
son conjoint par l’amour, car il s’agit souvent de l’argument pervers utilisé
par le conjoint violent. Il faut au contraire la soutenir pour se libérer de
l’emprise, y compris spirituel, dans laquelle on retrouve les mêmes mécanismes
que l’emprise de l’idolâtrie. Il ne faut
pas laisser pervertir l’amour. Il y a des manifestations d’attachement qui ne
sont pas de l’amour, qui sont du désir d’appropriation. De même qu’il y a des
manifestations de sens religieux qui ne sont pas de la foi, mais de l’appropriation
du sacré, c’est de l’idolâtrie. Si le mariage est un sacrement, il rejette
absolument la perversion de l’amour qui la violence et la soumission d’autrui.
Quand cela se produit dans un couple, il y a lieu de constater la nullité du
mariage, ce qui peut être une aide spirituelle pour la victime pour se libérer
de cet enfermement.
9)
Quelle attention
pastorale est-il possible d’avoir envers des personnes qui ont choisi de vivre
en couple avec une personne du même sexe?
La même attention qu'à tout couple. Le même accueil
aussi. Leur expérience spirituelle de vie de couple a beaucoup à apporter à la
vie spirituelle de la communauté. En particulier, la question de la fécondité
d'un couple: ne peut-elle s'exprimer qu'à travers l'accueil d'un enfant. Et pourtant,
nos communautés ne sont elles pas édifiés par nombre de leur membres qui
manifestent que l'on peut mener une vie consacré à l'amour pour autrui, être
fécond sans pour autant que cette fécondité soit biologique?
10) en cas d’unions entre personnes du même sexe
qui auraient adopté des enfants quel comportement pastoral tenir en vue de la
transmission de la foi ?
Quelles difficultés particulières cela peut-il poser? Le
principal obstacle à la transmission de la foi pour les enfants, c'est le
contre-témoignage que peut manifester certaines communautés par leur rejet de
ces couples homosexuels, par homophobie.
11) Quelle connaissance concrète avez-vous de la doctrine de
l'Eglise (Humanae vitae) sur la parentalité responsable? Et des différentes
méthodes de régulation des naissances? Du point de vue pastoral quels
approfondissements pourraient être suggérés à ce propos?
J’ai lu et étudié la doctrine
de l’Eglise. Je ne comprends toujours pas comment on peut condamner les
méthodes de contraception chimiques et physiques tout en encourageant la
« méthode des calendriers ». Si l’argument éthique est et reste que
l’acte sexuel doit toujours être fait en disponibilité à une fécondation, la
méthode des calendriers relève de la même intentionnalité d’organiser un rapport
sexuel dans lequel on exclut cette possibilité. De plus le principe morale
lui-même, à savoir que la sexualité n’a de justification qu’en tant qu’elle est
potentiellement féconde (au sens le plus matérialiste de la fécondité), ne me
semble ni traditionnel, ni légitimé par les Ecritures. La lecture de ce lundi
13 janvier 2014 nous donne à la méditation ce langage d’amour d’un époux pour
son épouse : « Et moi, est-ce que je ne compte pas à tes yeux plus
que dix fils ? » (1Sa1,1-8). L’expérience
érotique dans un couple est un en soi qui se passe de la fécondité biologique.
Il s’agit bien évidemment qu’elle soit ouverte. Le grand combat des prophètes
contre les cultes de la fertilité et contre la prostitution sacrée sont des
combats contre des formes d’amour pervers, où l’on instrumentalise l’autre, où
il ne s’agit plus d’une rencontre de l’autre pour l’autre mais d’une
utilisation de l’autre pour son plaisir, pour le pouvoir ou pour atteindre une
forme de sacré que l’on souhaite maîtriser. Mais pour éviter et prévenir ce
risque, l’Eglise catholique risque de commettre une autre erreur :
sacraliser le biologique dans la sexualité et la conjugalité, réduire la
richesse de la relation d’un couple à sa disponibilité à l’accueil d’un enfant.
Non seulement cette attitude provoque une souffrance chez les couples stériles,
qui sont pourtant des figures bibliques de l’accueil fécond de la parole de
Dieu (couple de personnes âgées, couples stériles pour des raisons biologiques
mais aussi psychologiques, couple homosexuel, etc.). Mais aussi elle n’aide pas
forcément les couples avec enfants à vivre toute la richesse potentielle de
leur relation conjugale.
D’un point de vue
pastorale, cesser un discours normatif et moralisateur. L’amour est multiforme,
il est comme le vent de l’Esprit, on ne sait d’où il vient ni où il va.
L’Eglise a la grande mission de l’accueillir. Elle doit continuer à mener un
travail de discernement, bien sûr. Mais un critère de discernement clef à
mettre en avant, en priorité sur l’obsession de la bienséance sexuelle,
matrimoniale et patrimoniale, c’est la question de la violence. Il faut donc prendre
position sur la question de la prostitution. Pourquoi Osée a épousé une
personne prostituée ? En quoi ce geste est prophétique ? Qu’est ce
qu’il nous dit du mariage, du mariage sacrement de l’amour de Dieu pour
l’humanité ? Concrètement, il s’agit de lutter contre la prostitution,
promouvoir son abolition dans la société, tout en accueillant les personnes
prostituées, « premières dans le
royaume ». Et n’y a-t-il pas de la
prostitution dans les mariages « bien sous tout rapport »
formel ? Ne continue t-il pas à se célébrer des mariages pour des raisons
d’argent, de patrimoine, de reproduction sociale ? Que disons-nous sur la
violence à l’intérieur des couples ? Renvoyons-nous les deux partenaires
dos-à-dos avec un « chacun porte sa part de responsabilité », ou bien
aidons-nous ces couples, et chacun des conjoints, à une travail de
discernement : « ce que vous vivez reste-t-il de l’amour ? la destruction que l’un
inflige sur l’autre, ou l’autodestruction que vous vous faîtes subir n’est-elle
pas si profonde qu’il vaudrait mieux vous encourager à vous séparer, et à
constater la nullité de votre mariage ? ».
La question de l’avortement doit aussi être affrontée en
dehors d’une accusation pure et simple. Car quand elle se pose pour les femmes,
ce n’est jamais dans une situation simple ni pure. Il faut admettre le constat
que la dépénalisation de l’avortement a partout fait diminuer le nombre
d’avortement, avec un gain énorme sur la santé des femmes qui y ont eu recours.
La première manière de faire diminuer le nombre d’avortement, c’est
l’information sur des moyens de contraception réalistes. Ensuite, il s’agit
aussi que les hommes soient responsabilisés vis-à-vis des conséquences d’une
relation sexuelle. Pour cela il faut encore et toujours promouvoir l’égalité
entre femmes et hommes qui n’est aujourd’hui nulle part acquise, et l’on
constate plutôt des régressions. On constate, en particulier en France, la
persistance des inégalités économiques entre femmes et hommes. La pastorale a
aussi un rôle à jouer sur ces questions, par l’exemplarité de la répartition
des tâches pastorales selon des critères de compétences et de vocation
personnelles.
Si nous voulons transmettre la Foi à nous enfants, vivons
la Foi, accueillons les dans la Foi. L’amour qui peut se vivre dans un couple
est sujet de Foi. Il peut être à « l’image et la ressemblance de Dieu »,
de l’amour de Dieu pour l’humanité. C’est, il me semble, la principale raison
pour laquelle le mariage est un sacrement. Le travail de discernement, de
prévention, voire de condamnation, qui incombe à l’Eglise, ne peut se faire qu’après
le travail d’accueil bienveillant et de bénédiction des amours humaines, sans a
priori. « Jamais en Israël je n’ai vu une Foi aussi grande ! ».
De combien de couple autour de nous, hors de l’Eglise, indifférents ou même
hostile à l’Eglise, nous pouvons néanmoins dire « jamais dans l’Eglise je
n’ai vu d’amour aussi grand et beau ! » ?
Bravo !
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